Les alternatives végétales face à 4 caps à franchir

Charcuterie, viande, ovoproduits, poissons… La liste des produits qui ont désormais leur alternative végétale ne cesse de s'allonger. Dans un contexte de marché ralenti par l'inflation, les start-up à la manœuvre passent à l'échelle de l'industrialisation. En ligne de mire, l'amélioration de la formulation des produits et la baisse des prix…

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Les alternatives végétales face à 4 caps à franchir
Le marché du végétal ralentit et les start-up travaillent sur la formulation des produits et la baisse des prix…

Les enjeux

  • Après une croissance à deux chiffres depuis ces trois dernières années, le marché des alternatives végétales s'est ralenti.
  • Au cours de 2022, les levées de fonds se sont multipliées et plusieurs projets d'industrialisation en France se concrétisent.
  • En ligne de mire, une baisse des prix attendue et une amélioration de la qualité gustative et nutritionnelle des produits.

Bien loin des États-Unis et des difficultés rencontrées parle pionnier du marché Beyond Meat, qui a vu le cours de son action divisé par plus de 20 enfin d'année 2022, le marché des alternatives végétales en France poursuit son développement. En GMS, il n'affiche plus les croissances à deux chiffres de ces trois dernières années mais, en période d'inflation, il peut tout de même se satisfaire d'une croissance de 3,5 % pour l'année 2022, selon les dernières données en CAM à P13 de NielsenIQ. « Les ventes de substituts végétaux marquent le pas pour des raisons économiques. Ce ralentissement s'explique aussi par le décalage entre les promesses induites par une alimentation plus végétale et les solutions qui existent sur le marché. Si les produits ont beaucoup progressé, ils ne répondent pas complètement aux attentes de naturalité », constate Corinne Aubry-Lecomte, directrice innovation et qualité du groupe Casino.

Un avis partagé par Matthieu Vincent, fondateur du cabinet de conseil DigitalFoodlab : « Avec un marketing très fortement poussé sur la comparaison avec la viande, la déception est souvent là. C'est pourtant le meilleur moyen pour faire évoluer les habitudes de consommation, sansles changer. Pour aller au-delà d'un publicconvaincu, il faut réussir à mettre sur le marché des produits plus clean », insiste le consultant.

Marché exponentiel

Malgré ce ralentissement, l'appétit des fonds d'investissement pour le marché ne faiblit pas. En 2022, les opérations se sont multipliées pour atteindre le montant de 130 millions d'euros, contre 20 millions en 2021. Parmi les levées de fond les plus importantes figurent celles d'HappyVore (35 M €), d'Umiami (26,5 M €), de La Vie (25 M €) ou encore celle de Gourmey (48 M €). Plus récemment, en janvier dernier, Algama, qui amis au point une alternative à l'œuf fabriquée à partir de microalgues, a annoncé une levée de fonds de 13 millions d'euros. « L'intérêt des fonds d'investissement pour le marché est un signal positif. Cela veut dire que l'on a bien identifié l'innovation en devenir. L'inverse serait embêtant », analyse Corinne Aubry-Lecomte. « Le marché continue de croître de façon exponentielle, mais ce n'est pas non plus le raz-de-marée que certaines études prédisaient. Quand on y va, on regarde plusieurschoses. Ce qui nous importe le plus, ce sont les équipes en place et les produits. Il faut qu'ils soient bons », insiste Laetitia de Panafieu, investisseuse en capital-risque chez Astanor Ventures. Le fonds à impact, rejoint par Emmanuel Faber, l'ex-patron de Danone, en octobre 2021, est le principal investisseur du tour de table réalisé par Umiami. La même année, Astanor Ventures a également pris le « lead » dans la levée de fonds menée pour Standing Ovation, start-up française avec laquelle Bel a établi un partenariat pour développer une gamme d'alternatives végétales au fromage.

Les start-up agissent comme des aiguillons pour imaginer l'alimentation de demain. Mais les grands groupes sont en embuscade et cela rassure les fonds d'investissement. « Avec l'évolution démographique mondiale, les épizooties à répétition, les risques climatiques, la montée en puissance des importations dans certaines filières, on ne peut pas ne pas y aller », résume Nicolas Prieur, consultant chez Auris Conseil Finance, cabinet de conseil en fusions-acquisitions.

Sur le plateau de Saclay (91), l'économiste Stéphan Marette, à la tête d'une unité de recherche de l'Inrae, multiplie les études auprès des consommateurs. « Dans le cadre de la dégustation d'une saucisse à base de viande et d'une autre à base de protéines végétales, on a observé un attrait sensoriel inférieur du substitut par rapport à la viande. Le goût de la viande est très ancré. Encore nombreux sont ceux qui n'ont pas conscience des impacts pour l'environnement et la santé de la consommation de viande. L'information et la sensibilisation seront déterminantes pour le développement du marché », analyse le chercheur.

Protéger la technologie

De fait, plusieurs caps restent à franchir pour ces jeunes pousses déterminées à recomposer nos assiettes. Après avoir lancé un site pilote en juin 2022 en Essonne, Umiami vient de racheter, en Alsace, l'ancienne usine Knorr d'Unilever. Le site, opérationnel à la fin de 2023, sera capable de produire à grande échelle n'importe quel type de filet de viande et de poisson à partir de protéines végétales. « Dans un premier temps, nous nous concentrons sur le blanc de poulet. La sous-traitance industrielle n'était pas une option possible. Aucun prestataire en France, et même dans le monde, ne maîtrise la technologie que nous avons mise au point », assure Martin Habfast, cofondateur aux côtés de Tristan Maurel de la start-up. Pour se différencier sur ce marché dominé parles alternatives hachées (boulettes, steaks, saucisses), Umiami parie sur un procédé mécanique qui permet d'obtenir, à partir de protéines de soja, une texture fibreuse et de maîtriser l'épaisseur d'une pièce entière. « Investir dans notre propre outil industriel, c'est aussi un moyen de protéger la propriété intellectuelle de notre technologie », poursuit Martin Habfast. L'usine table sur une production de 7 500 tonnes par an et par ligne de production en vitesse de croisière. Avec un positionnement B to B, les premiers produits commercialisés par Umiami seront destinés aux industriels de l'agroalimentaire en France et en Europe. « Les industriels de la viande cherchent aussi à se lancer dans le végétal. Nous allons les accompagner », assure Martin Habfast. Avec l'argent frais dont elle dispose, Algama vient, elle, d'acquérir un site à Liège, en Belgique, qui sera opérationnel dans le courant de l'année et qui pourra produire, à terme, 200 000 tonnes d'équivalent œuf, selon Alvyn Severien, dirigeant et cofondateur de la jeune pousse.

Les chiffres 

  • 465 M € : le CA global du végétal en France, en hausse de 3,5 %, dont

Les boissons 

  • 191 M€ en hausse de 3,24 %
  • 1,96 € : le prix moyen, en hausse de 3,16 %
  • 19,5 : le nombre moyen de références, en hausse de 0,52 %

L’ultrafrais

  • 138 M € en hausse de 0,73 %
  • 4,36 € : le prix moyen, en hausse de 4,06 %
  • 15,3 : le nombre moyen de références, en baisse de 2,55 %

Le traiteur végétal 

  • 137 M € en hausse de 5,5 %
  • 13,64 € : le prix moyen, en hausse de 2,7 %
  • 11,5 : le nombre moyen de références, en hausse de 1,77 %

Source : NielsenIQ, CAM à P13 2022

En maîtrisant son outil industriel, l'enjeu est aussi d'éviter l'empilement des acteurs et d'arriver ainsi à faire baisser les prix des produits ou tout du moins de se rapprocher du prix de la viande. À l'heure de l'inflation et des tensions de matières premières qui ont fait grimper en flèche le prix du poulet, de la viande de bœuf, des œufs, une lecture comparative des étiquettes n'est pas forcément simple à mener. Créé en 2019 par Rodolphe Landemaine, fondateur du réseau de boulangeries et pâtisseries Maison Landemaine, et de l'enseigne spécialisée dans la pâtisserie végane Land&Monkeys, et par Anne Vincent, Tamago Food produit sous la marque Yumgo des substituts aux œufs. La start-up a mis au point une gamme liquide d'alternatives au blanc, au jaune et à l'œuf entier à base de protéines de pommes de terre et de pois ainsi qu'un œuf entier en poudre à partir de farine de riz, de protéines de colza et de féverole. Ces alternatives utilisées parles boulangers, les pâtissiers, et plus largement les industriels, présentent les mêmes fonctionnalités (foisonnement coagulation, émulsion) que les ovoproduits conventionnels. « En termes de prix, nous sommes largement compétitifs », assure Anne Vincent.

Du mieux dans la composition

Cet objectif de baisse de prix est aussi poursuivi par HappyVore, qui doit mettre en route son outil de production d'ici à quelques mois. Avec un prix recommandé au kilogramme de 19 € pour les nuggets, de 19,95 € pour les chipolatas et de 15 € pour les steaks végétaux, les produits de la marque sont encore plus élevés que leurs homologues carnés, « mais on est sur la bonne voie », assure Cédric Meston, cofondateur. Avec une texture plus fibreuse et une rénovation de sa recette, les nuggets sont aussi passés d'un Nutri-score C à B.

En matière de formulation de produits, « il y a du mieux », note effectivement la nutritionniste Béatrice de Reynal, qui regarde avec intérêt l'intégration de nouveaux ingrédients comme les algues, les champignons et les travaux de recherche menés autour des ferments. Pour le moment, la plupart des protéines végétales travaillées sont sèches, d'où l'obligation de les mêler à un certain nombre d'additifs, dont la méthylcellulose, utilisée comme un épaississant issu de fibres de bois. En novembre, le numéro un de la volaille française, LDC, a annoncé son intention d'investir dans une ligne de production de protéine végétale extrudée humide dans l'ancienne usine de Doux. « Pour aller sur ce marché, nous voulons de l'origine France et du clean label. Nous allons travailler avec des producteurs pour développer nos approvisionnementsen fèves et pois », expliquait alors Stéphane Sallé, directeur général du pôle volaille.

« La nouvelle génération de produits doit répondre aux enjeux de baisse de prix, de goût et de texture », résume ainsi Laetitia de Panafieu. Mieux vaut le savoir : sur une moyenne de 100 dossiers reçus, seulement un retient l'attention d'Astanor Ventures…

1/ Le cap de l'amélioration des recettes

Champignons, algues, ferments… l'intégration de nouveaux ingrédients va-t-elle permettre d'améliorer la formulation des produits et de réduire la liste souvent bien longue des composants ? Pour le moment, la plupart des protéines végétales travaillées par les fabricants sont sèches, d'où l'obligation de les mêler à un certain nombre d'additifs, dont la méthylcellulose, utilisée comme un épaississant issu de fibres de bois.

2/ Le cap de l'industrialisation

Après un long travail de R & D, plusieurs start-up négocient leur virage industriel. En 2023, au moins deux usines entièrement tournées vers la production de substituts végétaux seront mises en route. Dans le Loiret, HappyVore a repris un site de Labeyrie Fine Foods à l'arrêt depuis quatre ans et travaille à sa rénovation complète depuis plusieurs mois. Le site affichera une capacité de production de 10 000 tonnes par an.

3/ Le cap de la baisse des prix

À l'heure de la flambée du prix de nombreuses matières premières, comparer la lecture des étiquettes des produits carnés et de leurs homologues végétaux est un exercice difficile. Mais force est de constater que dans certaines filières, comme celle des ovoproduits très touchée parla grippe aviaire, les produits végétaux ont atteint la parité en termes de prix. De son côté, HappyVore, avec des volumes de plus en plus importants, a réussi à baisser de 15 % le prix de ses nuggets en juin 2022.

Depuis juin HappyVore a, sous l’effet d’une évolution technologique, amélioré la recette de ses nuggets dont le Nutri-score est passé de C à B.

4/ Le cap de la communication

Avec un goût pour la viande encore très ancré chez les consommateurs, la sensibilisation aux bénéfices santé et environnementaux des substituts végétaux doit s'accélérer. C'est ce qui ressort des différentes études menées par l'Inrae sur ce sujet. Une conviction partagée parle cabinet BCG. D'après une enquête intitulée « L'opportunité climatique inexploitée dans les protéines alternatives », plus de 30 % des consommateurs considèrent qu'avoir un impact positif majeur sur le climat est la raison principale de passer à des protéines alternatives.

 

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